Un pionnier visionnaire de la résilience alimentaire
Le locavorisme en restauration collective avec Stéphane Linou : Résilience alimentaire et Sécurité nationale
Stéphane Linou incarne depuis près de deux décennies une approche révolutionnaire de l’alimentation territoriale, plaçant la restauration collective au cœur d’une stratégie de sécurité nationale.
Ancien conseiller général de l’Aude et sapeur-pompier volontaire, cet auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense Nationale) et expert-associé au Laboratoire Sécurité-Défense du CNAM a construit une méthodologie unique qui fait aujourd’hui référence dans le domaine de la restauration collective durable.

2008 : l’acte fondateur du mouvement locavore français
En 2008, Stéphane Linou lance le mouvement locavore en France par une expérimentation radicale : se nourrir pendant un an exclusivement de produits issus d’un rayon de 150 km autour de son assiette. Cette démarche, loin d’être une simple fantaisie écologique, repose sur un scénario prémonitoire : une pandémie grippale bloquant les chaînes d’approvisionnement alimentaire. Douze ans avant la crise sanitaire du COVID-19, Linou alertait déjà sur les vulnérabilités systémiques de nos modes d’alimentation.
Son titre d’expérience était sans équivoque : « Permettre à un territoire et à sa population de se nourrir localement : une question d’ordre public ». Cette vision articule pour la première fois en France les thématiques de l’alimentation, de l’écologie et de la sécurité civile, des mondes qui, selon ses propres termes, « se parlent encore trop peu ».
Le cahier des charges du Défi Locavore® :
un référentiel opérationnel.
Au fil des années, Stéphane Linou a développé un outil méthodologique qui constitue aujourd’hui un véritable référentiel pour la restauration collective : le Défi Locavore et Bas Carbone®. Avec 78 défis relevés à travers la France (au 3 décembre 2024), ce dispositif s’impose comme un « test de l’effort » alimentaire des territoires.
Les critères du cahier des charges
Le défi impose de composer un repas de fête complet (entrée, plat, dessert) selon des contraintes strictes :
Critères géographiques et économiques :
- Ingrédients produits à moins de 51 km à vol d’oiseau de l’assiette
- Coût matière inférieur à 9,50 euros par personne
- Producteurs correctement rémunérés
- Maximum de produits bio
Critères environnementaux :
- Empreinte carbone inférieure à 1,6 kg équivalent CO2 par personne (calculée avec le calculateur de l’ADEME)
- Zéro déchet grâce à l’utilisation de contenants réemployables
Critères qualitatifs :
- Trois plats très soignés, si possible originaux
- Un repas « chic et pas cher »
Cette méthodologie rigoureuse transforme chaque défi en démonstration concrète qu’une restauration collective locale, de qualité et accessible financièrement est possible.
Application à la restauration collective :
des résultats probants
Le défi du Gers : 4 500 repas simultanés
L’un des exemples les plus spectaculaires de l’application du référentiel de Stéphane Linou à la restauration collective s’est déroulé dans le Gers en septembre 2024. Lors des Rencontres de la Transition Alimentaire, plus de 4 500 repas bio et locaux ont été servis simultanément dans une dizaine d’établissements, dont 2 900 respectant l’intégralité du cahier des charges.
Cette opération d’envergure, menée en partenariat avec Gers Développement, visait à démontrer qu’une autre restauration collective est possible. Les établissements participants ont ainsi proposé des menus élaborés avec 100% d’ingrédients labellisés bio produits à moins de 51 km des cuisines, bas carbone et zéro déchet.
Les défis de Cahors : sensibilisation et action concrète
Dans le cadre du Projet Alimentaire de Territoire (PAT) du Grand Cahors, trois défis locavores ont été organisés en septembre 2025. Chaque repas accueillait des invités issus de divers champs de la société civile : représentants d’institutions, de la sécurité civile, de la restauration collective, de la grande distribution, de la production alimentaire et de l’éducation.
Ces défis ont permis de formuler des recommandations concrètes pour la restauration collective du territoire :
- Créer une plateforme d’approvisionnement départementale
- Simplifier les contraintes liées aux marchés publics
- Poursuivre l’accompagnement de l’installation de maraîchers
- Intégrer de nouvelles filières (huile, lipides) dans le PAT
La restauration collective comme levier stratégique
Une « BITD alimentaire » à construire
Dans sa réflexion sur la sécurité alimentaire nationale, Stéphane Linou propose un concept novateur : créer une Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) alimentaire, fonctionnant pour moitié via la commande publique des collectivités territoriales avec les cantines, les EHPAD et la restauration collective.
Cette vision place la restauration collective au cœur d’une infrastructure stratégique, à l’instar de ce qui existe pour la défense nationale. La commande publique via la restauration collective, aujourd’hui sclérosée, doit devenir un levier d’accélération de la transition alimentaire.
Le « Club des Cinq » du microbiote alimentaire territorial
Linou conceptualise l’écosystème alimentaire territorial comme un « microbiote » composé d’un « Club des Cinq » : producteurs, transformateurs, consommateurs, distributeurs et collectifs (élus, associations, gouvernance). La restauration collective joue un rôle pivot dans cet écosystème en tant que prescripteur et acteur majeur de la consommation locale.
Confrontation avec la réalité : enjeux et obstacles
Le contexte réglementaire : entre avancées et insuffisances
La loi EGalim promulguée en 2018 fixe un objectif de 50% de produits durables et de qualité dont 20% de produits bio dans les achats de la restauration collective. Pourtant, en 2023, l’Agence Bio recensait seulement 7% de bio dans la restauration collective française, témoignant du chemin restant à parcourir.
Les défis structurels identifiés
Au-delà des contraintes réglementaires, Stéphane Linou pointe trois verrous majeurs :
- Le cloisonnement des acteurs : Il faut faire se rencontrer les différents acteurs du Club des Cinq pour nouer des collaborations territoriales fructueuses.
- L’absence de planification territoriale : L’alimentation doit trouver sa place dans les documents de planification territoriale (PLU, SCoT, PCAET), en intégrant le concept de résilience.
- La rigidité de la commande publique : Les marchés publics actuels freinent souvent l’approvisionnement local plutôt qu’ils ne le facilitent.
La dimension sécuritaire : un impensé collectif
Des stocks dérisoires face aux risques majeurs
Les grandes surfaces, qui assurent 70% de notre approvisionnement alimentaire, ne disposent que de deux jours de stock. Les collectivités locales et l’État ne disposent d’aucun stock alimentaire stratégique. Cette fragilité systémique expose la population à des risques majeurs en cas de rupture d’approvisionnement, qu’elle soit causée par une pandémie, une cyberattaque, ou un conflit géopolitique.
Intégrer le risque alimentaire dans les Plans Communaux de Sauvegarde
Stéphane Linou milite pour que le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire soit inscrit dans les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS) et les Documents d’Information Communaux sur les Risques Majeurs (DICRIM). Cette approche vise à faire de l’alimentation un secteur d’activité d’importance vitale, au même titre que l’énergie ou les télécommunications.
Méthodologie de formation et de sensibilisation
Former les élus et les professionnels
Formateur pour élus et divers organismes sur la thématique « Résilience alimentaire et sécurité civile »
, Stéphane Linou a conçu et animé le premier module de Mastères Spécialisés en France sur les « Risques d’effondrements et adaptations ». Les élus qu’il rencontre lors de ses formations comprennent très bien les enjeux et ont envie d’agir sur le sujet.
L’approche pédagogique du défi
Le Défi Locavore® constitue un outil pédagogique puissant. Comme l’explique Stéphane Linou : « On part de l’assiette pour comprendre les enjeux de souveraineté alimentaire sur le territoire : qu’est-ce qui est disponible, qu’est-ce que l’on peut transformer ici et ce qu’il manque. Cela permet aux chefs d’établissements d’avoir une véritable prise de conscience ».
Cette méthode transforme une contrainte théorique en expérience concrète, permettant aux acteurs de la restauration collective de mesurer à la fois les potentialités et les vulnérabilités de leur territoire.
Vers une nouvelle gouvernance alimentaire
Des Projets Alimentaires de Territoire (PAT) aux Plans Alimentaires
Stéphane Linou estime que les PAT ont le mérite d’exister mais préconise une évolution vers des Plans Alimentaires de Territoire, obligatoires et supérieurs aux documents de planification territoriale. Cette transformation institutionnelle permettrait d’intégrer systématiquement les enjeux alimentaires dans l’urbanisme et l’aménagement du territoire.
Créer une compétence « alimentation » pour les collectivités
Le jour où il y aura une compétence alimentation pour les collectivités locales, la mise en œuvre de politiques alimentaires territoriales sera beaucoup plus simple, souligne Linou. Cette évolution juridique permettrait aux collectivités d’agir avec cohérence et continuité sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.
Perspectives et recommandations
Pour les acteurs de la restauration collective
Le référentiel développé par Stéphane Linou offre aux gestionnaires de restauration collective un cadre opérationnel pour :
- Évaluer la résilience alimentaire de leur territoire
- Expérimenter des approvisionnements locaux structurés
- Sensibiliser les convives et les décideurs aux enjeux de souveraineté alimentaire
- Construire des partenariats durables avec les producteurs locaux
Un changement de paradigme nécessaire
Au-delà des aspects techniques, l’approche de Stéphane Linou appelle à un changement culturel profond. Comme il l’affirme : « Le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire est un risque majeur et lié à la sécurité nationale ». Cette affirmation replace l’alimentation au rang des préoccupations stratégiques, dépassant la simple question environnementale ou gastronomique.
De l’assiette à la résilience collective
Le travail de Stéphane Linou depuis 2008 constitue aujourd’hui un corpus méthodologique et conceptuel incontournable pour transformer la restauration collective. Son cahier des charges du Défi Locavore® fonctionne comme un véritable référentiel opérationnel, permettant à chaque territoire de mesurer concrètement sa capacité à nourrir sa population de manière autonome, durable et résiliente.
En articulant les dimensions écologique, économique, sociale et sécuritaire de l’alimentation, Linou offre aux acteurs de la restauration collective un cadre d’action cohérent et ambitieux. Son message central reste d’une actualité brûlante : manger local est une question de sécurité collective, nécessitant la construction de plans de sécurité civile alimentaires et participatifs.
Face aux défis climatiques, géopolitiques et sanitaires du XXIe siècle, le référentiel locavore de Stéphane Linou trace une voie pragmatique vers une restauration collective qui soit à la fois moteur de transition écologique et garantie de sécurité alimentaire pour tous.
Sources et références
- Plan Bio : « 4 500 repas bio et locaux servis simultanément dans le Gers » (4 octobre 2024)
- Mangeonslocal.fr : Site officiel de Stéphane Linou (mars 2025)
- Restauration Collective : « Retour sur la 4e édition de La Bio dans les Étoiles » (23 mai 2023)
- Medialot : « Appel à candidatures pour le Défi locavore de Stéphane Linou » (28 mai 2025)
- Strada : « Manger local, une question de sécurité ? » (25 janvier 2023)
- FoodBiome : « Entretien avec Stéphane Linou, expert en résilience alimentaire » (23 mai 2024)
- Deklic : « Stéphane Linou : On est dans une illusion de sécurité alimentaire » (10 février 2024)
- Kaizen Magazine : « L’écologie, la sécurité et la gouvernance doivent se parler » (29 juillet 2024)
- TheBookEdition : « Résilience Alimentaire et Sécurité Nationale » – Ouvrage de Stéphane Linou
À propos de l’auteur : Stéphane Linou est joignable via son site mangeonslocal.fr pour des interventions, formations et accompagnements de territoires dans leur transition alimentaire.
Le locavorisme en restauration collective avec Stéphane Linou : Résilience alimentaire et Sécurité nationale
















